Les dotations :
Où va-t-on ?
Entretien avec Yves d’Amécourt
Maire de Sauveterre-de-Guyenne (Gironde)
Président de la CDC du Sauveterrois
Recettes importantes des collectivités territoriales, les dotations ou concours financiers apportés par l’Etat ont connu une baisse massive avec le plan gouvernemental de réduction des dépenses publiques sur trois ans (2015-2017), notamment par le biais d’une baisse de 10,7 milliards d’euros de la dotation globale de fonctionnement (DGF), soit environ 3,6 milliards d’euros chaque année. La DGF, qui demeure la contribution la plus importante de l’Etat aux collectivités, s’élève ainsi à 33 milliards d’euros pour 2016, contre 36,6 Mds € en 2015 et 40,1 Mds € en 2014 (manifestation de la politique de baisse de ses dotations par l’État).
Si l’effort demandé aux collectivités pour 2017 devrait être réduit de moitié, tel que l’a annoncé le Chef de l’Etat au Congrès des Maires en mai dernier, le fonctionnement de la DGF pose de nombreux problèmes et beaucoup de questions, notamment sur son architecture considérée comme « injuste et illisible »*.
Parmi les dysfonctionnements rencontrés : une DGF négative pour 168 communes en 2016 ; l’inégalité de la charge de péréquation verticale, reportée sur des communes moins aisées ; les écarts de DGF par habitant, notamment selon les catégories d’intercommunalités…
Quelques repères sur les dotations et la DGF
Lire le dossier
Le Gouvernement a initié une première réforme, prévue à l’article 150 de la loi de finances pour 2016, destiné à n’entrer en vigueur que le 1er janvier 2017. Mais les importantes modifications de la carte intercommunale et les incertitudes quant à ses conséquences concrètes pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) rendent difficilement applicable l’ensemble des mesures votées.
Aussi, les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ont décidé de mettre en place un groupe de travail commun pour préparer une réforme d’une grande ampleur annoncée pour 2017. Son rapport d’information a été adopté le 12 juillet dernier. Il est consultable ici : http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/14/rap-info/i3953/(index)/rapports-information
Parallèlement, le même jour, les membres du Comité des Finances Locales, réunis en séance plénière, ont adopté une résolution commune sur la réforme de la péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette résolution propose, sans attendre une loi spécifique, de procéder dans le prochain projet de loi de finances pour 2017 à des ajustements des dotations de péréquation communales.
A cette occasion, les représentants de l’Assemblée des communautés de France (AdCF) ont demandé des ajustements des dotations et du FPIC aux effets de la nouvelle carte intercommunale qui modifieront tous les indicateurs de référence (CIF, taux moyens, potentiels financiers…). La contribution de l’AdCF est consultable ici : http://www.adcf.org/contenu-article?num_article=3269&num_thematique=5
Dans ce contexte de réforme annoncée, à laquelle nous consacrerons plusieurs dossiers à la Une, nous avons décidé de débuter notre série d’entretiens avec Yves d’Amécourt, Président de la Communauté de communes du Sauveterrois. Il décrit avec beaucoup de clarté, mais aussi de perspectives, les difficultés que rencontrent les élus locaux dans la préparation de leur budget, comme dans l’exécution de celui-ci, qui débute souvent avant même la notification des dotations attribuées…
Vous avez, à plusieurs reprises, avec d’autres maires du Sauveterrois**, alerté sur des dysfonctionnements dans l’attribution des dotations, quels sont-ils ?
Nous nous sommes plaints auprès du représentant de l’Etat d’une incohérence manifeste entre la demande qui est faite aux collectivités locales de voter leur budget avant le 15 avril, alors que l’Etat n’informe les collectivités locales d’une partie importantes de leurs recettes (provenant du FPIC***), qu’au mois de juin suivant !
En 2014, nous sommes passés de la TEOM à la REOMI pour le financement de l’enlèvement des ordures ménagères. L’Etat dans le calcul de notre EFA (Effort Fiscale Agrégé) n’a pas tenu compte de nos recettes de REOMI. Nous avons ainsi perdu le bénéfice du FPIC. Entre la somme inscrite dans le budget et la somme effectivement reçue, il y avait une différence de 140.000 €.
2/ Quelles en ont été les conséquences pour votre Communauté de communes (CDC) ?
Dans le contexte de baisse de dotation, notre budget s’est retrouvé en déséquilibre et le représentant de l’Etat nous a dit « faites un emprunt » pour équilibrer.
C’est croquignole : pour pallier la baisse des dotations engagée par l’Etat, afin –dit-il- de diminuer la dette, l’Etat nous conseillait de nous endetter !
Nous avons plutôt décidé de renoncer à certains investissements … Nous en avons reportés d’autres.
Nous sommes en 2016, l’Etat a reconnu son erreur, mais nous n’avons toujours pas recouvré cette recette qui est évaluée à 140.000 € et redistribuée vers les communes.
3/ Dans le cadre de la réforme annoncée de la DGF et de l’ensemble des dispositifs de péréquation, qui devrait donc aussi concerner le FPIC, quelles orientations défendez-vous en particulier ?
LE BON SENS, LA LISIBILITE ET LA TRANSPARENCE !
Le bon sens : Que la dotation de fonctionnement des écoles soit donnée aux communes qui ont des écoles. Que la dotation pour l’entretien de la voirie soit donnée à la collectivité qui en a la compétence (commune ou EPCI), que les villes-centre soient repérées en fonction de critère objectif plutôt qu’en fonction de leur démographie, …
La lisibilité : aujourd’hui, plus personne ne sait ni pour qui, ni pourquoi il reçoit des dotations… Entre les dotations, les péréquations, le panier de recettes qui a remplacé la taxe professionnelle, les compensations des cadeaux fiscaux fait par l’Etat, c’est le brouillard le plus complet ! Pour avancer et investir, il faut comprendre ! Chaque année, c’est la pochette surprise !
La transparence : Si chacun veut pourvoir agir sur ses recettes, pour gérer sa collectivité, le mode de calcul doit être transparent et compréhensible par tous. Aujourd’hui, même les fonctionnaires de la Direction des Finances Publics ne savent plus expliquer clairement aux élus le pourquoi et le comment des recettes ! Comment voulez vous que les élus les expliquent aux habitants !
4/ La réforme attendue peut-elle permettre, à votre avis, de mettre un terme à cette situation où beaucoup de collectivités votent leur budget sans connaître le montant des dotations qui leur seront attribuées? Ou faut-il agir par d’autres biais?
La réforme est urgente ! Le système actuel est incertain et n’incite pas à l’investissement. Chacun sait que l’investissement est un moteur de l’économie. Or, 70 à 80% de l’investissement national est réalisé par les collectivités locales.
Le gouvernement promet des aides à l’investissement, mais les collectivités pour bénéficier des ces aides doivent avoir une « épargne » au delà des dépenses contraintes ! Sans visibilité sur cette « épargne », pas d’investissement possible.
Chaque investissement reporté faute d’une connaissance suffisante des recettes de la collectivité, ce sont des points de croissance que l’on perd ! Chacun doit comprendre que le temps, c’est de l’argent. L’économie ne fonctionne pas comme un vase que l’on remplit et que l’on vide, elle fonctionne comme la roue d’un moulin qu’il faut alimenter en permanence pour lui donner du grain à moudre !
Reculer sur cette réforme serait impardonnable !
* Rapport de Christine Pires Beaune, Députée, et Jean Germain, Sénateur, Pour une dotation globale de fonctionnement équitable et transparente : Osons la réforme, 15 juillet 2015, page 99
** http://yves-damecourt.com/blog/index.php?post/2015/05/13/Apres
*** FPIC: Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales