Il est faux de croire à la maltraitance !
Trois responsables de cirques prestigieux se sont alarmés, dans une tribune au « Monde », de la décision annoncée par le gouvernement d’interdire la présence des animaux issus de la faune sauvage sous les chapiteaux itinérants, ce qui porte un coup mortel au métier des circassiens.
Nous avons décidé de relayer cette tribune car de plus en plus de villes refusent déjà de les accueillir même avec des animaux domestiques. Il faut que les responsables d’exécutifs locaux prennent conscience que séparer ces animaux de leurs soigneurs n’est pas une bonne nouvelle pour le bien-être animal.
par
William Kerwich, directeur du Cirque Royal, président du Syndicat français des capacitaires d’animaux de cirque et de spectacle ;
Frédéric Edelstein, directeur du cirque Pinder ;
Georges Kobann, cofondateur du cirque Arlette Gruss.
Alors que la planète connaît une pandémie inédite dans l’histoire de l’humanité, mettant sous tension les hôpitaux, en récession les économies de nombreux pays, en liquidation ou en danger de disparaître des dizaines de milliers d’entreprises, notamment celles du monde du cirque, le gouvernement a choisi ce moment pour annoncer, par la voix de Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, la fin de la présence des animaux issus de la faune sauvage dans les cirques itinérants.
Nous ne pouvions connaître plus sûr coup de grâce quand nous sommes déjà à terre !
Le cirque, sans les animaux n’est pas du cirque, et il ne faut pas se méprendre : un certain nombre de villes refusent déjà de nous accueillir avec ou sans animaux issus de la faune sauvage (chevaux, chameaux, dromadaires, voire bientôt les chats et les chiens).
Sans eux, le public – en moyenne 14 millions de spectateurs en France par an – désertera les chapiteaux, si l’on veut bien prendre le temps de considérer le nombre plus que restreint de spectateurs de cirques sans animaux. Des dizaines d’entreprises circassiennes traditionnelles disparaîtront, des milliers de personnes perdront leur emploi.
Et, tout cela, au nom d’une fausse idée, la protection du bien-être animal.
Il est, en effet, faux de penser que les animaux issus de la faune sauvage sont en situation de mal-être, voire de maltraitance, au sein de nos cirques.
Un passé révolu
Cette idée, fondée sur des images d’un passé totalement révolu, quand des animaux étaient enlevés à leur milieu naturel pour demeurer souvent en ménagerie, cette idée, propagée à coups de campagnes de lobbying de millions d’euros, souvent par des activistes tout sauf tolérants, n’est pas la réalité.
A la suite de ces nombreuses campagnes, il s’est installé dans une partie de l’opinion le fantasme que ces animaux étaient en souffrance auprès de nous et que le cirque pouvait se passer d’eux. Nous ne pouvons plus laisser se propager ces idées autant fausses que dangereuses et nous vous demandons maintenant de bien vouloir nous entendre.
Aujourd’hui, la réalité est que le milieu naturel de ces animaux est le cirque. Ils ne sont plus capturés depuis longtemps dans la savane. Ils naissent dans le cirque et vivent dans leur famille du cirque jusqu’à leur mort naturelle, à des âges bien plus avancés que dans la nature et dans les parcs zoologiques. Pourquoi cette espérance de vie est-elle plus importante chez nous ? Parce qu’ils sont avec nous plus heureux et mieux traités qu’ailleurs. Il est temps que cette vérité soit enfin reconnue.
Oui, nous défendons que les animaux nés dans le cirque sont mieux avec nous que dans les parcs et refuges improvisés où quelques députés et le gouvernement voudraient les placer en nous les « confisquant » à coups d’amende pénale de 50 000 euros si nous n’obtempérons pas, selon les termes des débats qui ont récemment eu cours à l’Assemblée nationale…
Quelle vision et quel dessein aberrants !
Otages politiques
Actuellement environ huit cents animaux issus de la faune sauvage sont présents dans nos cirques. Leur entretien, qui représente plusieurs dizaines de millions d’euros par an, notamment pour la nourriture, les soins vétérinaires, et les espaces de vie, est totalement financé par les revenus tirés de nos spectacles. Nos finances publiques ont-elles les moyens de prendre en charge de telles sommes auxquelles il faudrait encore ajouter des crédits pour le personnel soignant des parcs, la construction et l’entretien des structures ainsi que les nombreuses impositions ?
La maltraitance animale nous la voyons, nous, dans toute sa réalité lors des saisies administratives de plus en plus fréquentes et brutales, souvent sur des fondements fallacieux, qui aboutissent à la destruction de familles, de fratries en particulier, pour conduire nos animaux on ne sait où, dans quel prétendu refuge dont on ignore tout du fonctionnement et de la pérennité.
Tout cela pendant que le broyage de poussins vivants subsiste toujours dans les abattoirs, parmi d’autres pratiques tout aussi ignobles. Il est vraiment difficile de discerner ce que gagne le bien-être animal dans ces différentes opérations, faut-il se demander si nous ne sommes pas avant tout otages d’intérêts politiques cédant à la virulente pression des associations animalistes ?
Penser que l’on peut enlever des animaux à leur famille et à leur vie de cirque est juste terrifiant et montre à quel point nous vivons dans un monde où le risque existe d’arriver à la destruction des liens d’amour que tissent les êtres humains avec les animaux. Ce n’est pas révéler un grand secret, sans tout vous dévoiler, que de dire que nous les apprivoisons non par la violence, mais par l’amour, par le lien et la complicité que nous créons avec eux dès leur naissance et qui nous unit à eux pour toujours.
Ils crèveront
Nous ne pouvons pas être séparés de nos animaux car cela reviendrait à les abandonner. Sans leur famille, sans leur vie animée de saltimbanques, ils crèveront. La dépression chez les animaux est pire que chez les humains. Nous avons, nous, la plupart du temps, pas toujours, les mots pour penser, analyser, panser du mieux que nous pouvons les déchirements que nous vivons. Eux, parce qu’ils sont exactement et puissamment toujours dans la vérité du moment et du lien affectif, ils n’occupent pas le vide de la souffrance et de la privation par les mots et la pensée philosophique. Ils crèveront d’être privés de ce qui fait leur vie.
Nous les apprivoisons non par la violence, mais par l’amour, par le lien et par la complicité que nous créons avec eux dès leur naissance et qui nous unit à eux pour toujours.
Oui, nous n’avons pas autant d’espace à leur offrir que dans les parcs naturels et les sanctuaires protégés. Mais nous leur offrons une vie très riche, où ils sont protégés des prédations, des maladies, du manque de nourriture, contrairement aux rares animaux vivant encore en pleine nature. Une vie riche de liens affectifs, d’activité physique, de stimulations cognitives et émotionnelles par les numéros et la ferveur du public, contrairement aux parcs zoologiques, où ils s’emmerdent et finissent très souvent euthanasiés bien plus jeunes que ce que leur permet pourtant leur espérance de vie.
Non, l’itinérance n’est pas un problème. Parce qu’ils sont justement issus de la faune sauvage, ils ont génétiquement besoin de parcourir des kilomètres, certes, avec nous pas pour trouver de la nourriture, mais pour trouver les regards de frisson, de fascination et de reconnaissance d’un public, souvent acquis, bien sûr, comme est toujours acquis l’amour de ceux qui ont le don naturel d’aimer. Celui des enfants, en premier lieu, bien sûr, mais aussi celui des grands qui parviennent à faire vivre en eux cette part prodigieuse de l’enfance.
L’itinérance, cette liberté fondamentale d’aller et venir, se trouve être aussi à ce jour le seul et meilleur moyen d’apporter du spectacle et de l’inouïe dans des territoires qui ne peuvent organiser de façon pérenne de tels divertissements.
Arrêtez de nous condamner
Nous souffrons, nous, d’être discriminés dans ce que nous sommes, des saltimbanques itinérants avec notre puissante relation aux animaux, qui ne nous quitte jamais et qui nous permet d’évoluer avec eux sans devoir les anesthésier à tout bout de champ pour des soins courants. Nous sommes des gens libres, autonomes et indépendants de toute subvention publique, excepté en cette période de crise sanitaire d’ampleur où nous accueillons de façon responsable toute aide qui nous est accordée.
Nous cherchons constamment à enrichir les conditions de vie de nos animaux, entre autres par le biais des travaux que nous menons en interne dans notre commission intersyndicale de développement. Nous pensons que le cirque peut devenir aujourd’hui, grâce à la présence des animaux, un ambassadeur extraordinaire pour défendre la préservation des espèces de la faune sauvage, notamment par le biais de numéros pédagogiques que nous mettons de plus en plus en place, avec des actions de sensibilisation du public que nous développons, entre autres, par le parrainage d’organisations non gouvernementales (ONG) défendant la survie des animaux en milieu naturel. Ce n’est pas antinomique, au contraire, cela participe d’un même esprit, la préservation des espèces, quelle que soit leur diversité aujourd’hui.
Nous pensons que les nombreuses familles qui viennent depuis des années sous nos chapiteaux ne sont pas composées d’horribles prédateurs, mais de petits et de grands qui recherchent l’émerveillement de la communion des hommes et des animaux.
Arrêtez de nous condamner. Laissez-nous vivre avec nos traditions de saltimbanques itinérants et ne nous séparez pas de nos animaux au nom d’un bien-être animal qui n’est, en l’espèce, qu’une erreur d’une monstrueuse cruauté.